Alors que 80 % des maladies émergentes sont issues du monde animal et que celles-ci sont en lien avec l'environnement, l'épidémiologie est à l'origine d'une révolution des savoirs, obligeant à penser ensemble écologie et santé. Ainsi quand l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) collabore avec 18 autres instituts européens de recherche agronomique pour affranchir l'agriculture de sa dépendance aux pesticides. Ou dans la lutte contre l'antibiorésistance, en limitant les mutations génétiques des bactéries au monde animal afin que leur transmission n'amenuise pas la capacité à soigner les hommes, alors que ce fléau sanitaire cause 700 000 morts par an.
La conscience du fragile. Ce concept scientifique est porteur d'une extraordinaire espérance politique. La conscience du fragile est en effet la marque de notre génération. Fragilité écologique, fragilité de la dignité humaine, fragilité de la démocratie... « Être responsable, c'est l'être de ce qui est fragile », disait déjà Paul Ricoeur. Partis à la conquête de l'espace, nous découvrons la finitude du temps. À livre ouvert, c'est une pédagogie de la Genèse. Le jour de l'Homme, s'il apparaît comme le sommet de la Création, vient après ceux des « luminaires dans le firmament » et de « toutes les bestioles qui fourmillent sur la terre ». Par le changement climatique, nous faisons l'apprentissage de notre interdépendance. Le rendement du mil dépend de nos styles de vie et conditionne le destin de millions de paysans, auquel aucun mur sur la Méditerranée ne nous rendra étrangers.
"Qu’elle prenne les figures du care ou du service public, la fraternité apparaît comme notre assurance-vie. Nous ne pouvons plus être « seuls au monde". Au Sénégal, la hausse des températures réduira les rendements de 30 % d'ici à 2050. Économie et écologie d'un monde en commun... Ces deux interdépendances nous ouvrent à une autre, celle de la fraternité. Qu'elle prenne les figures hier encore démonétisées du care ou du service public, elle apparaît aujourd'hui comme notre assurance-vie. Nous ne pouvons plus être « seuls au monde ».