Le travail souffre, c'est lui qu'il faut soigner ! Yves Blot

Le 05/01/2023 0

Dans Articles, prises de paroles

Claude Emmanuel Triomphe - Metis correspondance européennes du travail – 2010.

Suicide, souffrance au travail :  alors que les risques psychosociaux sont devenus un enjeu dans les entreprises comme dans la société, professeur de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers qui a publié récemment le travail à cœur point pour en finir avec les risques psychosociaux il revient sur ce qui lui apparaît comme une impasse dans un entretien exclusif.

Vous êtes responsable d'une filière de formation de psychologue du travail, pourquoi la prise en compte des risques psychosociaux (RPS) est-elle une fausse piste ?

Je regarde sans aucune arrogance le travail de tous ceux qui sont engagés dans une approche en termes de RPS ou de stress. On n'échappe pas facilement aujourd'hui point simplement, j'ai écrit ce livre virgules parce que la promotion de cette nouvelle catégorie de gestion des risques affecte l'exercice de notre métier point à partir d'un accord interprofessionnel sur le stress signé en 2008 s'installe un drôle de consensus autour de l'idée que les travailleurs n’auraient plus les ressources nécessaires pour faire face aux exigences de l'organisation.  J'ai proposé de retourner le problème : mais si on se mettait à considérer que ce sont les organisations qui n'ont plus les ressources pour répondre à l'exigence des salariés de faire un travail de qualité ? Alors, ce ne sont plus les travailleurs qui sont trop petits fragile et à soigner

C’est le travail et l'organisation qu'il faut soigner point c'était qui est trop étriquée et qui pousse de plus en plus de professionnels à endurer un travail ni fait ni à faire. Beaucoup de capacités et d'engagements sont gâchés, les ressources psychologiques et sociales des salariés sont gaspillées, leur énergie perdue dans des organisations qui la dissipe. Du coup, en schématisant bien sûr, il reste deux voies possibles ; soit on donne un nouveau destin à ses ressources psychosocial refoulé, soit on ajoute à la petitesse des organisations actuelle une couche de gestion supplémentaire :  la gestion des risques psychosociaux. Mais c'est une couche de protocole supplémentaires sur les protocoles existe comme vous le voyez il y a RPS et RPS !

 De surcroît, s'ajoute un problème bien français que les travaux de Dominique Méda et Lucie Lavoine ont montré qu'ils ont croisé en la matière les enquêtes et statistiques européennes : un attachement particulier des Français à la valeur et à l'utilité sociale du travail. Mais c'est parce que les organisations ne leur donnent plus les moyens de faire un travail défendable à leurs propres yeux que beaucoup de gens en font une maladie. On ne réglera pas ce problème par une cicatrisation sociale bâclée. W. Bierman disait je crois : “pas moyen que les plaies se ferme sur les pansements dégoûtants”.  Et pourtant, la souffrance au travail devient un dossier comme un autre, recycler dans l'organigramme du droit pour se protéger contre la faute inexcusable imputable à l'employeur de la psychologie pour la prise en charge individuelle des sinistres et du travail, un modèle toxicologique du risque qui transforme la question du travail en péril sanitaire, un body fit social en épidémie.

 Cette approche de la gestion des risques et elle en train de l'emporter ? Y a-t-il des alternatives ?

 Les standards du bien-être qui se met en place dans certaines entreprises collecte d'indices formation de signal en, cellule de veille sanitaire, peut virer au despotisme compassionnel si on ne s’attaque pas au problème ordinaire du travail réel.  Après la cellule d'écoute psychologique et la victimologie ira temps jusqu'à l'obligation de soins ? Ira-t-on jusqu'à demander, comme dans certaines entreprises japonaises, aux salariés nouvellement embauchés de s'engager par écrit à ne pas se suicider ? On l’imagine mal en France. Mets l'hygiénisme qui cherche actuellement a pasteurisé le travail plutôt que de le transformer a de beaux jours devant lui, à moi de faire le pari inverse :  celui qui va chercher la santé où est les virgules dans les ressources insoupçonnées chez ceux qui travaillent. Les salariés ont davantage besoin de se reconnaître dans ce qu'ils font, plutôt que d'obtenir une reconnaissance faussée de leur plainte, cette plainte leur permet juste de supporter l'insupportable. Mieux vaut prendre le parti du travail de qualité, du travail bien fait plutôt que de chercher à ouvrir des couloirs humanitaires dans des organisations qui le maltraite.

Mais est-ce vraiment ce qui l'emporte aujourd'hui dans les stratégies public ou syndicale ?

 Pas vraiment. Ce n'est pas la même chose de construire une stratégie autour du travail bien fait, de fixer les lignes jaunes de ce qui est acceptable, pour que le travail soit fait dans les règles de l'art et de revendiquer la reconnaissance de la souffrance au travail. Dans le premier cas, on considère que les salariés sont capables de prendre en charge le développement de leur métier en tournant l'action vers eux. Dans l'autre, on se tourne vers les directions en réclamant d'agir pour prendre en charge des victimes de l'organisation, ce qui confirme que l'organisation du travail et la prérogative exclusive de la direction. Il est vrai que s'engager sur les terrains de la qualité du travail apparaît souvent au syndicat comme un risque de perdre son âme. C'est pourtant, il me semble, retrouver une fonction sociale tout autre que celle d'un syndicalisme de service, ce qui arrange les pouvoirs publics, qui on l'a vue courte. Aux employeurs la conception de la performance et de l'efficacité dans la guerre économique !  Au syndicat le rôle d'ambulancier de l'intensification ! Mais aujourd'hui ce fonctionnement des relations professionnelles à la française abîme dans la santé que l'efficacité.

Vous semblez pessimiste point peut-on espérer que ce pouvoir d'agir dans vous parlez prennent le dessus ?

 Du côté des dirigeants, j'observe que cette question monte très haut et qu'elle est prise au sérieux. Certains ont pris la mesure de ses blocages systémique. Il est urgent que les dirigeants débattre entre eux sur le sens de la performance comme l'a proposé le rapport remis au Premier ministre François Fillon par H. Lachamann, M. Penicaud et C. Larose.  L’enjeu ce n'est pas la qualité de la vie au travail, mais la qualité du travail tout court.  Cela peut entraîner une sorte d'alliance de producteurs ou la tyrannie court-termiste du financier. Au passage, si les syndicats s'était avancé dans ce voix, on n’en serait pas là sur le dossier des retraites. Si on ne touche pas au travail, ce n'est pas à 60 mais à 30 ans que les gens vont vouloir partir !

Vous pensez que les salariés se réconcilieraient avec leur entreprise si cet enjeu de qualité du travail ?

Les travailleurs sont capables de s'engager sur cette piste très rapidement, d'après ce que je constate lors des interventions de mon équipe en psychologie du travail, ou d'autres et notamment d'ergonomie. La zone de développement potentiel et grande quand on voit la vitesse à laquelle les opérateurs s’en emparent, mais aussi le cadre de proximité et en général tous ceux qui sont au front ! Cette énergie-là est source de santé, mais elle est contrariée par la crise du système de relations professionnelles à la française. Ce dont nous manquons, c'est de controverse, de dispute sur la qualité du travail et c'est ce type de conflit qu'il faut est instituée. Il n'y a pas de lit aujourd'hui pour le faire ; d'un côté on discute financer emploi de l'autre sans tes points en fait la qualité du travail devrait être un axe central de ré ré-institutionnalisation des relations professionnelles et je crains que la rénovation des institutions représentatives du personnel (IRP) n'aille pas dans ce sens.

 Pourquoi les syndicats sont-ils si frileux face à ce genre de perspective ?

 Beaucoup de syndicalistes reconnaît ce que la qualité du travail et une question majeure sans en tirer les conséquences stratégiques. Comment l'expliquer ?  Une des raisons tiens tu as mon avis à la conception du collectif. S'engager dans cette voie, c'est s'engager dans du conflit autour des critères du travail bien fait :  le pouvoir d'agir, c'est la capacité à supporter les désaccords, car il faut se mesurer à ce que l'on n’arrive pas encore à faire ensemble. Dans les milieux professionnels, quand on arrive plus à discuter boulot, la santé se perd. Or le pouvoir d'agir se conquiert grâce à des collectifs qui accepte de considérer que ce qu'on ne partage pas (encore) sur le travail qu'on fait est plus intéressant que ce qu'on partage déjà. Aller dans ce sens, c'est donc susciter l'hétérogénéité. Or le syndicalisme repose sur une culture de l'homogénéité, bien imaginaire d'ailleurs.

 Et du côté des dirigeants ?

 Pour les dirigeants, c'est aussi très compliqué. La performance, c'est quelque chose de multicritères.  Une direction à spontanément une approche exclusive de type efficacité rentabilité alors que les salariés ont une approche de type efficacité santé. Le déni de ce conflit n'est pas ça. Il mérite au contraire d'être institué avec c'est compromis dynamique. Mais cela nécessite des institutions capables de les nouer. Les sociétés qui ont voulu éliminer ces conflits, à l'Est du continent ont non seulement les gens et la nature, mais ont sombré. Aujourd'hui la situation est dangereuse, ni les directions, ni les syndicats ne veulent s'engager dans une voie qui n'est pas garantie d'avance.

Mais le vrai risque psychosocial, c'est justement le refoulement du conflit sur la qualité du travail. Le problème est mondial, c'est beaucoup plus qu'une question de relation professionnelle d'ailleurs, c'est le fond de la question écologique. On ne peut pas vouloir sauvegarder la planète en piétinant le travail. Il suffit de regarder l'accident minier au Chili ou la destruction de la Louisiane, on n’en serait pas là si on avait pris le travail au sérieux et les alertes fait bien en amont par les travailleurs de ces sites qui montrait que la ligne jaune été franchie. Certains d'entre eux en sont morts et la nature est dévasté. Il est possible de faire autrement.

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